Black Mirror

ft. Swann Anderson ; résumé n°1

Le pick-up gris métallisé se gara dans l'allée dans un léger crissement de pneus. La portière s'ouvrit et une jeune femme s'extirpa du véhicule. Elle se figea un instant, observant autour d'elle d'un air curieux. Le domaine de Spanish Sahara avait fière allure; on voyait d'un simple coup d'oeil que les bâtiments étaient bien entretenus. Tout au long de sa carrière, Swann avait été amenée à travailler dans différents centre-équestre et elle en avait vu de toutes les couleurs: des écuries en bois vieillottes aux spacieux domaines de riches propriétaires, il lui semblait avoir déjà un peu tout testé. Et à première vue, Spanish Sahara semblait lui promettre un cadre de travail agréable et moderne.

La jeune femme marcha jusqu'à ce qui lui semblait être le club-house. Elle y trouverait sûrement les informations dont elle avait besoin. Effectivement, un petit bureau se trouvait accolé à la salle et une femme, aux cheveux courts et bruns, examinait un tas de papiers. Elle leva la tête à son arrivée et lui adressa un sourire.

- Je suppose que vous êtes la cavalière professionnelle ? Le directeur m'a prévenu de votre arrivée. Venez, je vais vous faire visiter !

Swann suivit la petite brune, tentant d'enregistrer toutes les informations que la femme lui donnait au fur et à mesure de la visite. Elle parlait beaucoup et le domaine était grand, mais après deux ou trois jours, Swann prendrait vite ses marques, elle en était certaine. Elle ne s'inquiétait pas vraiment.
Les premiers jours de travail étaient, la plupart du temps, stressants pour les nouveaux salariés. Mais pas pour Swann. Il fallait dire qu'elle exerçait le métier de ses rêves, qu'elle parvenait à bien gagner sa vie et qu'elle commençait à se faire un nom dans la région; que demander de mieux ? Si le directeur des écuries de Spanish Sahara l'avait contacté, c'était sans doute parce que quelqu'un lui avait conseillé d'embaucher Swann; de ce fait, il avait confiance en elle. La jeune femme travaillait en free-lance, se déplaçant pour tous les centres-équestres ou les particuliers qui faisaient appel à ses services. Parfois, c'était juste pour quelques petites séances; d'autres fois, c'était plus régulièrement. Elle avait parfois des journées extrêmement chargées et, d'autres fois, c'était le calme complet. Mais ce style de vie lui plaisait.

Et travailler pour le domaine de Spanish Sahara était presque un honneur. Evidemment, Swann connaissait ce centre-équestre depuis longtemps; tout le monde dans la région le connaissait. Mais elle n'avait jamais vraiment pris le temps d'y mettre les pieds. A présent que l'occasion lui était offerte, elle réalisait qu'elle était passé à côté d'une pépite. Travailler ici allait être une belle expérience, elle en était certaine.
A la fin de la visite, la petite femme brune lui remit un papier, comportant ses heures de travail et les chevaux qu'elle devait entraîner. Pour le moment, un seul nom y figurait: Black Mirror. Elle fronça les sourcils.

- Le directeur veut attendre de voir votre progression avec lui avant de vous confier d'autres chevaux, expliqua la femme.

Elle semblait un peu gênée de lui révéler ça, pensant sans doute qu'elle était déjà au courant. Mais Swann se contenta d'hocher la tête. Evidemment.

- Le directeur est déjà bien sympa d'embaucher une cavalière professionnelle en se fiant uniquement à sa réputation, fit la blonde avec un sourire. C'est normal qu'il me teste un peu.

Sur ce, la petite femme lui débita tout un tas d'autres informations avant de retourner à son bureau. Elle parlait beaucoup trop, et beaucoup trop vite, mais Swann pensait avoir à peu près enregistré ce qu'elle devait savoir ou du moins, le plus important.
Elle jeta un oeil à la feuille qu'elle avait toujours dans les mains. Elle avait une heure à remplir le lundi. Ça tombait bien, on était lundi. Heureusement qu'elle avait pris sa tenue d'équitation; elle les récupéra dans le pick-up et fila se changer.

Allez, il était maintenant temps de découvrir quel petit diable on lui avait attribué... Le directeur avait-il été clément en lui filant un cheval sympa ? Ou lui avait-il confié, au contraire, le pire canasson de l'écurie ? Swann allait vite le découvrir.
En parcourant l'allée, elle ne tarda pas à tomber sur le box du fameux "Black Mirror". C'était un splendide étalon noir, qui passa sa tête au-dessus de la porte d'un air curieux lorsqu'il comprit qu'il avait de la visite.
En jetant un oeil sur la porte du box, Swann put apercevoir un post-it scotché sous les lettres dorées qui composaient le nom du cheval. Elle se pencha pour le lire. "Attention à vos pieds !" Il n'y avait rien d'autre que ces quelques mots. Génial... elle était bien avancée avec ça. Il n'avait pourtant pas l'air si terrible, ce cheval; il tendait le nez vers elle pour grappiller quelques caresses. La jeune femme posa sa main sur son chanfrein avec un léger soupir, mi-amusée, mi-dubitative.

Swann entra dans le box armée de ses brosses afin de nettoyer un peu l'étalon, dont les crins étaient pleins de brins de paille. Black Mirror tenta de mordiller sa brosse et la jeune femme n'y prêta d'abord pas attention, plus amusée qu'autre chose par ses enfantillages. Mais lorsque ce fut la manche de son T-shirt que le noiraud tenta de grignoter un peu trop brutalement, Swann le repoussa avec fermeté. L'étalon ne sembla pas vraiment comprendre son geste et se contenta de la surveiller du coin de l'oeil.

Une fois sa monture propre et sellée, Swann poussa la porte du box du bout du pied tandis qu'elle attrapait les rênes d'une main et sa bombe de l'autre. Elle fut soudain projetée contre le mur du box tandis que Black Mirror la bousculait sans douceur pour se précipiter au-dehors. Ben voyons ! Swann comprenait mieux l'annotation du post-it, maintenant ! Le noiraud semblait vraiment manquer de délicatesse. Elle tira les rênes d'un coup sec pour l'arrêter et le gronda tandis que Black Mirror fixait sur elle un regard plein d'incompréhension. Il ne semblait pas reconnaître ses bêtises, en plus ! Ce cheval était décidément bien étrange. Quelles autres surprises lui réservait-il ? Espérons que le directeur de Spanish Sahara ne lui avait pas donné la tête de mule en chef des écuries...
Le trajet jusqu'à la carrière ne fut pas des plus agréables: Black Mirror tirait sans relâche sur les rênes, ignorant royalement la cavalière à ses côtés. Mais Swann, aussi bornée que sa monture, ne le laissa pas accélérer. Elle eut du mal à l'arrêter près du montoir mais, ceci fait, put raffermir sa prise sur les rênes une fois en selle. Il était temps de voir ce que Black Mirror avait dans le ventre.

# iwhae